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La prévention de la tuberculose pulmonaire
   

La suppression en juillet 2007 de l'obligation de la vaccination obligatoire par le BCG transformée en en vaccination ciblée risque dans les années à venir d'augmenter le nombre de cas de tuberculose, elle rend d'autant plus importantes les mesures de dépistage des sujets contacts qui ne seront plus protégés par le vaccin.

Les personnes de l'entourage proche des malades porteurs de tuberculose contagieuse sont les plus exposées au risque d'infection tuberculeuse et, lorsqu'elles ont été infectées, c'est dans la période qui suit immédiatement l'infection qu'elles ont le plus grand risque de développer une tuberculose-maladie. Ces deux éléments fondamentaux de l'épidémiologie et de l'histoire naturelle de la tuberculose justifient la priorité du dépistage des cas d'infection tuberculeuse et de tuberculose-maladie dans l'entourage d'un malade dont la tuberculose a été récemment diagnostiquée.

La famille ne constitue pas le seul milieu favorable à la transmission du bacille tuberculeux. Les collectivités reproduisant des conditions de promiscuité assez similaires à la promiscuité familiale sont multiples. Certaines d'entre elles peuvent regrouper des personnes particulièrement susceptibles (jeunes enfants, adolescents, malades immunodéprimés ou, de plus en plus, personnes infectées par le VIH), ce qui justifie une vigilance particulière. Dans la situation épidémiologique actuelle de la France où l'incidence de la tuberculose est devenue relativement basse [2], le dépistage "ciblé" prend toute son importance.

Les objectifs du dépistage sont d'abord d'identifier les personnes pouvant être des sources d'infection et de les traiter pour interrompre la chaîne de transmission, ensuite d'identifier les personnes récemment infectées et de leur offrir le cas échéant une chimioprophylaxie (chimiothérapie préventive) pour empêcher que leur infection n'évolue à court terme vers une tuberculose-maladie.

Dans une collectivité, il faut de plus évaluer le risque de transmission et mettre en évidence les éventuels facteurs favorisant cette transmission afin d'adapter les mesures préventives

BK au microscope
 

Tuberculose dans le monde
 

Transmission
 
Caverne tuberculeuse
Le traitement
Le BCG
Tuberculose maladie et tuberculose infection

Tuberculose maladie

  • Une tuberculose est confirmée chez un malade lorsqu'une culture a montré la présence de bacilles tuberculeux (Mycobacterium tuberculosis, bovis ou africanum). Cependant, dans une certaine proportion des cas (un tiers en France d'après les données de la déclaration obligatoire, la confirmation bactériologique n'est pas obtenue et la mise au traitement est décidée sur des arguments cliniques et radiologiques.
  • Une tuberculose est contagieuse s'il y a des bacilles tuberculeux dans l'expectoration. La tuberculose n'est donc contagieuse que dans sa forme pulmonaire. Les formes extrapulmonaires (osseuse, ganglionnaire, uro-génitale, pleurale, méningée...) ne sont qu'exceptionnellement contagieuses. En pratique la contagiosité est définie par la présence de bacilles acido-alcoolo résistants (B.A.A.R.) à l'examen microscopique direct de l'expectoration. La contagiosité est beaucoup plus faible si l'examen microscopique direct de l'expectoration est négatif et que seule la culture soit positive.

Infection tuberculeuse

  • L'infection tuberculeuse est consécutive à l'inhalation du bacille tuberculeux et à son implantation dans l'alvéole pulmonaire. Dans 90% des cas, chez les sujets immunocompétents, cette infection restera latente, mais dans 10% des cas elle évoluera vers une tuberculose-maladie, le risque étant maximal dans les deux ans suivant l'infection.
  • Une infection récente est identifiée par le virage récent (moins de deux ans) des réactions cutanées à la tuberculine. S'il n'y a ni signes radiologiques ni signes cliniques, il s'agit d'une infection latente. S'il existe des signes radiologiques ou cliniques, il s'agit d'une infection patente (primo-infection) et elle doit être traitée comme un cas de tuberculose.
Evaluation du risque de transmission

La découverte d'un cas de tuberculose ou d'infection tuberculeuse doit conduire à évaluer le risque de transmission du bacille tuberculeux et les facteurs de risque individuels des personnes vivant dans l'entourage du cas dépisté.

trois types d'éléments doivent être passés en revue systématiquement :

  • le cas contagieux et ses caractéristiques
  • l'environnement
  • le type de contacts entre le cas et son entourage.

Le cas contagieux et ses caractéristiques:

Il peut s'agir du premier cas découvert, ou de cas diagnostiqués ultérieurement au cours de l'investigation. Les caractéristiques à évaluer sont celles qui témoignent de la capacité du malade à produire des aérosols de particules contenant des bacilles tuberculeux :

  • la présence de B.A.A.R. à l'examen microscopique direct d'au moins 2 prélévements' est le signe d'une contagiosité maximale. Les malades porteurs de tuberculose à examen microscopique positif sont en effet responsables de l'essentiel de la transmission.
  • si l'examen microscopique direct est négatif, la présence de bacilles tuberculeux à la culture de l'expectoration est un signe de contagiosité potentielle mais beaucoup plus réduite qu'en cas d'examen microscopique positif.
  • si l'examen direct et les culuressont négatifs la contagiosité peut être considérée comme négligeable.
  • la contagiosité devient nulle généralement moins de deux semaines après le début d'un traitement efficace et bien conduit. La grande majorité de la transmission du bacille à des sujets contacts a lieu avant le diagnostic et la mise aen route du traitement.
  • d'autres facteurs influencent le risque de transmission:
    - la présence d'une caverne pulmonaire (car cette forme est très riche en bacilles),
    - la laryngite tuberculeuse.
    - l'intensité et la durée de la toux
    - les expirations forcées spontanées (chant, cris, etc...ou provoquées par des manœuvres particulières (aérosols, kinésithérapie).

L'environnement

  • La transmission du bacille tuberculeux s'effectue exclusivement par voie aérienne par l'intermédiaire d'aérosols de mucus contenant des bacilles qui, en se desséchant, restent en suspension dans l'air [out facteur susceptible d'influencer la concentration des bacilles dans l'air ambiant agira sur le risque de transmission.
    Les conditions les plus favorables sont réunies dans un lieu fermé partagé par le malade contagieux et son entourage. Le premier facteur à évaluer est le volume de ce lieu fermé : plus il est faible, plus la concentration est grande.
  • Dans une collectivité, il est recommandé de procéder à l'évaluation des locaux : pièces fréquentées ou non par le malade contagieux, circulation de l'air entre les pièces.

Le type de contacts entre le cas et son entourage

Les éléments à évaluer sont la proximité des personnes en contact avec le cas de tuberculose contagieuse, et le temps passé au contact de ce cas. Ces éléments permettent de classer les contacts en trois catégories

  • contact étroit : personnes habitant sous le même toit ou personnes partageant la même pièce pendant de nombreuses heures par jour ;
  • contact régulier : personnes partageant régulièrement le même lieu fermé
  • contact occasionnel : personnes partageant occasionnellement le même lieu fermé.
    Les membres de la famille vivant dans le même foyer que le cas contagieux sont toujours classés dans la catégorie des contacts étroits et c'est parmi eux que le dépistage sera conduit en priorité.
Evaluation des facteurs de risque des personnes exposées

La probabilité de faire une tuberculose-maladie à la suite d'une infection tuberculeuse est d'autant plus grande que la quantité des bacilles transmis est importante. La probabilité dépend de caractéristiques individuelles de la personne exposée :

Facteurs de risque

  • âge: enfants de moins de 5 ans, adolescents ;
  • pathologies induisant une dépression immunitaire (diabète, alcoolisme, malnutrition), traitements immunosuppresseurs (corticoïdes, chimiothérapie anticancéreuse), silicose
  • infection à VIH, d'autant plus que l'immunodépression est importante (diminution des lymphocytes CD4)


Facteurs protecteurs

  • vaccination par le BCG : les personnes vaccinées par le BCG ont acquis une immunité les protégeant de l'évolution d'une infection tuberculeuse en tuberculose-maladie. L'efficacité protectrice du BCG a été estimée au maximum à 80% pour la tuberculose toutes formes chez des sujets non immuno-déprimés, et supérieure à 80 % pour les formes graves de tuberculose de l'enfant (miliaire et méningite). L'efficacité diminue à distance de la vaccination : la durée de la protection est généralement estimée à quinze ans
  • infection tuberculeuse antérieure : les personnes ayant déjà fait une infection tuberculeuse ont développé une immunité les protégeant partiellement contre les conséquences d'une réinfection ultérieure. Cependant il faut rappeler que ces personnes sont également à risque de faire une tuberculose par réactivation endogène de leur infection ancienne : c'est le cas pour la majorité des malades actuellement diagnostiqués dans les pays industrialisés surtout chez les sujets âgés.
Stratégies d'investigations
  • Devant tout cas nouvellement diagnostiqué de tuberculose contagieuse, on doit entreprendre une recherche de cas de tuberculose-maladie et de personnes infectées dans l'entourage. Cette recherche constitue une priorité car elle permet de dépister et de prévenir rapidement des cas secondaires.
  • Devant un cas démontré d'infection tuberculeuse récente, soit patente (avec signes radio-cliniques), soit latente (virage simple) diagnostiquée sur des résultats de tests tuberculiniques antérieurs, on recherchera le contaminateur et ensuite les éventuelles autres personnes infectées. En revanche, cette recherche ne se justifie pas pour une réaction tuberculinique positive retrouvée lors d'un dépistage systématique en l'absence d'autres éléments.
  • On doit rechercher également le contaminateur autour d'un cas de tuberculose-maladie faisant probablement suite à une infection récente, ce qui est :
    • certain chez l'enfant de moins de 5 ans ;
    • probable chez l'adolescent
    • possible chez un malade n'ayant jamais reçu de traitement antituberculeux et porteur de bacilles multirésistants (résistants à la fois à l'isoniazide et à la rifampicine)
    • possible chez une personne infectée par le VIH ou sévèrement immunodéprimée.
Investigations autour d'un cas de malade contagieux
  • Le dépistage sera entrepris dès la confirmation de la positivité de la culture de l'expectoration. On le commencera sans attendre les résultats de la culture si l'examen microscopique direct de l'expectoration est positif, ou s'il existe de forts arguments présomptifs et des personnes particulièrement vulnérables dans l'entourage.
  • Le médecin traitant de la famille du cas doit être avisé : il peut procéder au dépistage parmi les membres de la famille, en liaison avec le médecin qui a fait le diagnostic ainsi qu'avec les services de Lutte Anti Tuberculeuse du département.
  • Si le malade appartient à une collectivité, le dépistage est conduit par les services de lutte anti tuberculeuse en collaboration avec le médecin intervenant dans la collectivité.
  • Pour assurer une bonne fiabilité des tests tuberculiniques, il est recommandé de recourir, pour la pratique de ces tests, aux services de vaccination ou de LAT du département qui possèdent l'expérience nécessaire.
  • Le principe du dépistage est de procéder en cercles concentriques autour du cas (selon l'image du "caillou dans l'eau".
    • Dans une famille, le dépistage parmi les personnes vivant sous le même toit est souvent suffisant.
    • Dans une collectivité, on établira la liste des personnes en contact avec le malade et on les classera en 3 catégories selon leur proximité. Le dépistage sera d'abord entrepris dans la catégorie des personnes ayant un contact étroit avec le malade ainsi que, par principe, chez toutes les personnes qui demandent spontanément un dépistage individuel. La décision d'étendre le dépistage aux autres catégories (contact régulier, puis contact occasionnel) sera prise en fonction :
      • du nombre d'infections récentes trouvées dans la catégorie des personnes en contact étroit ;
      • de la présence de personnes particulièrement vulnérables dans les autres catégories, notamment de personnes infectées par le VIH
Les moyens du dépistage
  • Le dépistage de l'infection tuberculeuse est basé sur les tests tuberculiniques .
  • Il sera complété par une radiographie pulmonaire chez les personnes ayant des résultats de tests tuberculiniques positifs (> ou = 10 mm) pour dépister une éventuelle tuberculose. La radiographie sera effectuée d'emblée chez les enfants de moins de 5 ans, les personnes âgées et les personnes immunodéprimées (sujets infectés par le VIH), la négativité du test tuberculinique est chez eux insuffisante pour éliminer une tuberculose évolutive.
  • En cas de négativité du premier test tuberculinique, le test sera répété deux mois plus tard car l'allergie tuberculinique, qui peut être précoce (dès 2 semaines), apparaît la plupart du temps entre 6 et 14 semaines après l'inhalation du bacille.
  • Chez l'enfant de moins de 15 ans, vacciné ou non, en contact étroit avec un cas contagieux, il est justifié de prescrire une chimioprophylaxie pendant ces deux mois jusqu'au deuxième test : elle pourra être arrêtée si le deuxième test reste négatif.
  • Les malades atteints de tuberculose doivent être traités immédiatement. Une chimioprophylaxie doit être envisagée pour toutes les personnes en contact avec le cas contagieux chez lesquelles une infection tuberculeuse récente aura été dépistée.
  • Si les tests tuberculiniques sont positifs sans virage récent démontré, la décision de proposer une chimioprophylaxie sera prise en fonction des arguments épidémiologiques (contagiosité du cas, proximité du contact) et des facteurs individuels. Elle sera en particulier proposée chez les jeunes enfants, les adolescents et les sujets immunodéprimés, notamment les personnes infectées par le VIH.
Investigations autour d'un cas d'infection tuberculeuse récente

Pour dépister le contaminateur ("source" d'infection) on se basera sur la radiographie pulmonaire. Le dépistage sera conduit suivant le même principe des cercles concentriques, d'abord parmi les membres de la famille ou, dans une collectivité, chez les personnes en contact étroit avec le cas. Le traitement du contaminateur doit être institué immédiatement.

  • Devant plusieurs cas d'infection tuberculeuse récente diagnostiqués dans une même collectivité, le dépistage sera effectué également dans la catégorie des personnes en contact étroit avec chaque cas.
  • Lorsque le contaminateur aura été identifié, on conduira un dépistage dans son entourage à la recherche d'éventuelles autres personnes infectées.

Pour dépister les sujets contaminés on se basera sur les tests tuberculiniques chez les personnes en contact avec un cas de tuberculose

  • Les tests doivent être effectués par intra-dermo réaction (test de Mantoux). Les autres tests (timbre, Monotest), insuffisamment standardisés et n'ayant pas de valeur quantitative, sont à proscrire.
  • En France, la tuberculine Mérieux est la seule disponible depuis 1993. La dose de 50 UI ne doit pas être utilisée.
  • La technique consiste en l'injection intradermique d'un volume de 0,1 ml, soit une dose correspondant à 10 unités internationales de tuberculine Mérieux. La lecture se fait 72 heures plus tard. On mesure le diamètre transversal de l'induration en millimétres.
  • Le résultat est à interpréter en fonction des résultats de tests antérieurs, des antécédents de vaccination BCG, et de la présence ou non d'infection à VIH.

 

Interprétation des tests tuberculiniques
Si le résultat de tests antérieurs standardisés de moins de 2 ans est connu :

L'infection tuberculeuse récente est mise en évidence par une augmentation significative de l'allergie tuberculinique (virage) définie comme suit :

chez les non vaccinés :
  • induration passant de < 10 mm à > ou = 10 mm, avec au moins 10 mm de différence entre les deux mesures
  • ou induration passant de 0 mm à > ou = 5 mm ;

chez les vaccinés :

  • induration augmentant d'au moins 10 mm entre les deux tests, indépendamment de la valeur de départ.

Si aucun virage n'est mis en évidence par rapport aux résultats des tests antérieurs, ou si aucun résultat de test fiable datant de moins de deux ans n'est disponible

L'infection tuberculeuse récente est probable

chez les non vaccinés

  • si l'induration est > ou = 10 mm dès le premier test.

chez les vaccinés

  • le résultat est à interpréter en fonction de l'ancienneté du BCG (l'immunité s'atténuant en dix à quinze ans) et des résultats de tests tuberculiniques standardisés effectués dans les dix années précédentes, s'ils existent
  • si l'induration est < 10 mm, il faut répéter le test 2 mois plus tard pour rechercher un virage. Si au deuxième test, l'induration a augmenté d'au moins 10 mm, il s'agit certainement d'une infection tuberculeuse récente.
    Chez les sujets âgés de plus de 55 ans, une augmentation de taille de l'induration peut être le témoin du réveil, par l'effet du premier test (effet "booster"), d'une hypersensibilité cutanée ancienne et doit donc être interprétée avec prudence.
Chez les patients séropositifs  
  • Si les lymphocytes CD4 sont > ou = 500/mm3 : la démarche et les critères d'interprétation sont les mêmes que ci-dessus.
  • Si les lymphocytes CD4 sont < 500/mm3 :
  • l'infection tuberculeuse récente est probable si l'induration est > ou = 10 mm au premier test chez un sujet vacciné depuis moins de quinze ans, ou > ou = 5 mm chez un sujet non vacciné ou vacciné depuis plus de quinze ans.
  • si l'induration est < 5mm et si les lymphocytes CD4 sont < 200/mm3, on recherchera une anergie en pratiquant des tests cutanés à au moins deux autres antigènes (exemple: Multitest ® Mérieux) . Si les réactions sont négatives, l'infection tuberculeuse récente est possible, et la chimioprophylaxie est donc indiquée pour un sujet vacciné ou non en contact avec un cas contagieux.
 
Dr G.Bonnaud - Polyclinique de Courlancy - Reims - ©2008
mise à jour 10/2011